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La Favorite : une comédie de la cruauté

Actualité 17 févr. 2019, 10:00 Elsa Colombani

Yórgos Lánthimos réunit un trio d’actrices éblouissantes pour un film en costume loufoque et réjouissant.

Aux oubliettes le décorum, les bonnes manières et la traditionnelle réserve britannique ! Dans La Favorite, l’Angleterre du XVIIIe siècle ne ressemble en rien à celle contemporaine de la reine Elizabeth II, dépeinte dans la série télévisée The Crown. Et les deux siècles qui les séparent n’y sont pour rien. Dans le nouveau film de Yórgos Lánthimos, on parle à la cour une langue crue, moderne et acérée, où chaque mot blesse comme un coup de poignard. On y est fêtard et impudique, l’insulte fuse sans vergogne, et les plaisanteries les plus inconvenantes sont savourées. Le cinéaste grec aurait-il donc le goût de la provocation ? « Provocateur… Avant j’étais sur la défensive à ce sujet, mais j’ai finalement compris que c’est exactement ça. C’est ce qu’on essaie de faire – de provoquer une réflexion et une discussion, et de secouer les gens pour commencer à réfléchir d’une façon différente. Cela m’intéresse de perturber ce qui est considéré comme la norme », explique-t-il. Cette norme, Lánthimos prend un malin plaisir à l’examiner et à la démanteler dans Canine ou Mise à mort du cerf sacré. Dans le monde dystopique de The Lobster, les protagonistes devaient se conformer au canon du couple sous peine de se transformer en animal. De fait, l’être humain chez Lánthimos s’apparente plus à la bête sauvage, violente, cruelle, qui ne mise que sur sa propre survie. Ses personnages se retrouvent ainsi pris entre quatre murs, dressés les uns contre les autres, et le cinéaste d’observer les créatures de son laboratoire s’écharper pour subsister. Un regard acerbe hérité de deux cinéastes eux aussi célébrés pour leur irrévérence et leur misanthropie, Michael Haneke et Stanley Kubrick. L’influence de ce dernier saute d’ailleurs aux yeux dès les premiers plans de La Favorite. Et si la jeune Abigail Hill (Emma Stone) a des accents de Barry Lyndon – son désir d’ascension sociale, sa froideur stratégique – Lánthimos s’affranchit du chef-d’oeuvre de Kubrick par son ironie implacable et son goût du grotesque qui transforment cette sombre histoire en tragi-comédie.

Liaisons dangereuses
Anne (Olivia Colman) est reine en son royaume. À moins que ce ne soit Lady Sarah (Rachel Weisz), qui ne règne à sa place. La riche et tendre correspondance entre les deux femmes et leur supposée liaison ont inspiré aux scénaristes Deborah Davis et Tony McNamara une intrigue passionnante où se mêlent amour, désir et pouvoir. Avec ses colères subites et ses crises de goutte invalidantes, la reine Anne paraît bien peu souveraine. C’est donc Sarah, amie d’enfance et amante, qui s’occupe du royaume, arpente le palais en maîtresse des lieux et dicte à la reine les décisions à prendre. Cette dernière quitte rarement sa chambre où elle s’adonne à sa mélancolie profonde, ses crises de boulimie et son élevage de lapins chéris. Ses dix-sept compagnons à fourrure, un temps perçus comme la lubie d’une simple d’esprit, se révéleront être le monument aux morts de cette mère sans enfants, endeuillée encore et toujours de ses dix-sept grossesses. Seule la présence de Sarah dans sa chambre à coucher semble lui apporter du réconfort. Mais derrière son besoin dévorant d’affection et son apparente faiblesse, Anne « est très consciente de son pouvoir, explique Tony McNamara. Elle choisit juste de l’utiliser d’une manière erratique, ce qui façonne un personnage très intrigant. » Voyez la fois où la reine, ne sachant comment affronter une question épineuse, feint de s’évanouir au Parlement. Ou encore sa crise de jalousie soudaine lors d’un bal aux danses follement burlesques. Lassée des invectives de Sarah – « tu ressembles à un blaireau » assène un jour cette dernière à la reine –, Anne se laisse séduire par une jeune servante à l’air innocent et au compliment facile : Abigail Hill, aristocrate déchue et cousine de Lady Sarah.

À la guerre comme à la guerre
Alors que les royaumes de France et d’Angleterre se livrent à une guerre sans merci, Sarah et Abigail entament la bataille pour les faveurs de la reine. La Favorite se dessine alors comme une réécriture en costume du Eve de Joseph L. Mankiewicz où, par diverses manoeuvres, une ingénue volait la vedette à une actrice, star de théâtre, incarnée par la légendaire Bette Davis. Ici, la fausse naïve à l’ambition féroce revêt les traits poupons d’Emma Stone. C’est avec délectation que l’actrice, récemment oscarisée pour La La Land, s’empare de ce rôle de stratège pleine d’impertinence. Face à elle, Rachel Weisz excelle dans celui de la favorite soudainement menacée. Weisz – la beauté délicate, le port altier – incarne une Lady Sarah manipulatrice et intraitable, mais se préserve de toute caricature en traduisant aussi l’affection véritable de son personnage pour la reine. Sous le masque de cruelle dérision, Lánthimos dévoile l’intimité entre les deux femmes et leur sincérité, la longévité longévité de leur relation entre disputes conjugales et bonheurs complices. « Je ne crois pas qu’Anne se rende compte que Sarah est le véritable amour de sa vie au moment où Abigail commence à lui faire tourner la tête », explique Olivia Colman. La comédienne interprète avec maestria cette monarque instable, tant au niveau physique que psychique, et manie habilement l’équilibre ardu entre le ridicule de la reine et sa réelle détresse. Alors que Sarah domine grâce à sa séduction et son intellect, Anne, obnubilée par sa silhouette disgracieuse, gouverne en assujettissant les autres à son propre corps. Ainsi, elle contraint un valet, embarrassé devant son allure pathétique, de la regarder dans les yeux puis lui hurle l’exact contraire. Et place Abigail dans son lit sous un prétexte urgent de massages curatifs.

Femmes chasseresses
Dans La Favorite, l’avenir du royaume d’Angleterre se joue donc dans ce trio amoureux féminin qui reflète les machinations politiques qui opposent les Whigs, soutenus par Sarah, et les Tories, aidés par Abigail. « Je souhaitais placer les femmes au centre d’un conglomérat d’hommes qui ignorent comment gérer les affaires sérieuses », explique le réalisateur. Tandis que les hommes se maquillent à outrance et manigancent grossièrement, les femmes pratiquent une chasse plus franche mais également plus subtile. Dans leur viseur : gibier, hommes, et, bien sûr, pouvoir. Lánthimos filme le tout avec sa distance usuelle et exacerbe le propos corrosif par sa mise en scène. Filmant avec des objectifs grand-angle et « fisheye », le réalisateur renforce ainsi la solitude des personnages enfermés dans leur tour d’ivoire : « En montrant à l’écran la pièce dans son entier et en isolant le personnage dans cet espace, on a la sensation qu’il n’y a pas d’issue. Le terrain de jeu devient un champ de bataille qui se transforme en prison », souligne le directeur de la photographie Robbie Ryan. « Lourde est la tête qui porte la couronne » écrivait Shakespeare. Le plan final nous souligne qu’à trop vouloir atteindre les sommets, celles des favorites le sont tout autant.

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